mort de Blessing Matthew à la frontière franco-italienne : quelle implication des gendarmes ?

Le contexte est tendu : 22 avril 2018, le groupuscule suprémaciste Génération Identitaire avait occupé le col de l’Échelle et Gérard Collomb, alors min de l’Intérieur a immédiatement envoyé des renforts aux forces de l’ordre à la frontière et les témoignages des personnes exilées recueillis à Briançon attestent fréquemment de pratiques de course-poursuites, de mise en danger, et de violences physiques et verbales de la part des gendarmes mobiles, de la police aux frontières et des militant·es de Génération Identitaire.

Suite à la mort de Blessing l’association Tous Migrants adresse un signalement auprès du Procureur de la République de Gap, suivi par le dépôt d’une plainte, par la famille de Blessing.

En mai 2019, le procureur de Gap classe l’enquête sans suite. Le classement est confirmé en appel en fev 21.

Dans les conclusions de l’enquête judiciaire, les gendarmes n’ont pas poursuivi Blessing et ses compagnons, aucun gendarme ne l’a vue tomber à l’eau, aucun ne l’aurait même approchée… et ce, malgré des témoignages de gendarmes disant qu’ils l’ont bien vue (écouter les explications détaillées de Sarah Bachellerie qui a travaillé sur l’enquête de BorderForensic

En effet, le dossier d’enquête comporte de nombreuses incohérences, contradictions et zones d’ombres, notamment au regard de la topographie des lieux, des conditions de visibilité et du déroulement des événements.

Les gendarmes enquêteurs n’ont pas cherché à clarifier les zones d’ombre ni tenté de reconstituer le déroulement précis des faits et gestes des gendarmes mobiles, au contraire, ils ont délivré un récit qui occulte ces aspects, au profit d’un plaidoyer en faveur des gendarmes mobiles.

Tous Migrants a alors contacté Border Forensic , une organisation de chercheurs qui réalise une analyse spatio-temporelle des déclarations des gendarmes. Cette enquête fait émerger les nombreuses omissions, contradictions et zones d’ombre de l’enquête de police judiciaire.

Michel Rousseau de Tous Migrants retrouve également Hervé qui témoigne auprès de Border Forensic, sur les lieux où se sont déroulés les faits. Son témoignage met en évidence des contradictions et des silences dans la version des policiers

Pour certains gendarmes, tout s’est passé rive gauche, il n’y a pas eu d’interaction avec Blessing. Pourtant, le témoignage de Roland et des éléments matériel corroborent les dires d’Hervé. Jérome P qui confirme également ce qu’Hervé dit n’a pas été entendu par la justice

Fin mai 2022, avec les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth, Christiana Obie Darko la soeur de Blessing et Tous Migrants demandent la réouverture de l’enquête (écouter leur conférence de presse du 30 mai 2022)

En résumé:
1. une enquête judiciaire réécrit une histoire qui dédouane les gendarmes, malgré des incohérences, contradictions et autres zones d’ombres
La famille de la victime et d’autres citoyens s’interrogent et demandent une enquête pour avoir des réponses à leurs questions

2. Une équipe de chercheurs recoupe en détail, avec d’autres témoignages et des éléments matériels le témoignage d’Hervé qui dit que les gendarmes ont eu des contacts avec Blessing juste avant sa chute et qu’ils n’ont pas cherché à la secourir quand elle a disparu dans la rivière

3. ⤵️

Derrière ce refus de faire la lumière sur ce qu’il s’est passé ce 7 mai 2018, c’est toute la question des politiques migratoires mise en oeuvre en Europe qui se pose. On nous a servi une fable comme quoi les contrôles aux frontières ont été rétablis « pour nous protéger de la menace terroriste » et on se retrouve avec des gendarmes qui coursent des adolescents en tong et des familles avec enfants en bas âge et femmes enceintes !
Comment les pays les plus riches du monde peuvent-ils continuer à maltraiter ainsi des personnes qui cherchent à échapper à des situations impossibles et veulent seulement construire leur avenir ???

MAJ: 2 juill 2022

Références:

Alpes-Maritimes & Sud Est – frontière italienne – Actualités News